Gestion des forêts et de la filière bois en Afrique Centrale
Le secteur forestier formel continue à jouer un rôle important dans l'économie de 6 des 10 pays de
l'espace COMIFAC, même si sa contribution aux PIB nationaux reste faible.
Le secteur a été en profonde mutation au cours de ces 2 dernières décennies au cours desquels il a
progressivement intégré dans ses pratiques une gestion durable des ressources. Il reste au cœur des
préoccupations internationales relatives à la gestion durable et la lutte contre les changements
climatiques, et doit continuer à s'adapter à l'évolution des marchés et aux exigences croissantes
d'une meilleure prise en compte des aspects sociaux et environnementaux dans la gestion forestière.
A côté de ce secteur formel largement tourné vers l'exportation, le secteur informel, souvent opéré
par des exploitants artisanaux demeure le principal fournisseur des marchés nationaux.
Les défis à relever par le secteur forestier en Afrique Centrale pour les prochaines années
Des défis restent à relever dans les prochaines années pour :
Assurer le développement des pays et régions forestières, œuvrer pour le bien-être des
populations en les faisant mieux profiter des ressources et des espaces forestiers
Préserver la contribution des écosystèmes forestiers à la préservation de l’environnement global
et rémunérer les efforts consentis dans cet objectif
Concernant la gestion des forêts :
Aider les Etats à acquérir les capacités à mettre en œuvre leurs politiques forestières, en
particulier en mettant en place les procédures et structures de contrôle adaptées et en en
assurant le financement pérenne.
Généraliser la gestion forestière durable à l'ensemble des superficies de forêt de production,
en l'adaptant à des situations nouvelles de concessions plus réduites, de nouveaux opérateurs et
également d'opérateurs artisanaux
Intégrer les politiques de gestion des forêts de production dans des politiques plus globales de
développement de territoires.
Concernant la filière bois :
Assurer la pérennité du modèle économique de la valorisation durable des ressources forestières,
actuellement trop extensif en prélevant plus d'essences, en diversifiant les produits, en
accédant à de nouveaux marchés y compris nationaux, bref en valorisant plus et mieux les
ressources forestières
Communiquer sur les atouts du bois tropical et sur la gestion durable des forêts dont il est
issu et répondre aux attentes des marchés internationaux de vérification de la légalité des bois
importés, y compris la certification, en initiant ou en faisant aboutir les processus en cours
(APV FLEGT, RBUE, Lacey Act)
Synthèse régionale de la gestion forestière et de la filière bois
Production de grumes dans le Bassin du Congo par le secteur industriel
Le secteur forestier industriel opère principalement sur des
concessions forestières en Afrique Centrale.
Au terme d'une lente croissance, le secteur forestier industriel d'Afrique Centrale a produit annuellement près de 8 millions de m3 de grumes entre 1997 et 2007.
La production s'est contractée en 2008 en raison de la crise internationale, qui a touché le marché
des bois tropicaux. Elle reste depuis lors inférieure à 7 millions de m3, le niveau de prélèvement
moyen sur l'ensemble des concessions de la région est à un niveau extrêmement faible de 0,14
m3/ha/an, avec de fortes variation entre pays, de 0,02 m3/ha/an pour la RDC à 0,63 m3/ha/an pour la
Guinée Equatoriale.
Ce niveau de production place l'Afrique Centrale en dernière position parmi les 3 grands bassins
forestiers producteurs de bois tropicaux, l'Afrique Centrale ne pesant que 5 % de la production de
grumes de bois tropicaux dans le monde.
La contraction connue après 2008 est liée à la forte baisse des récoltes au Gabon, où suite à
l'interdiction d'exportation de grumes les prélèvements annuels sont passés de plus de 3 millions de
m3 en 2006 à 1,6 millions de m3 en 2013 et 2014.
Les productions du Cameroun et du Congo restent relativement stables depuis une dizaine d'années,
alors que celle de la RDC, déjà à un niveau très bas au vu de la superficie forestière, tend à se
réduire encore. La RCA semble retrouver le niveau de prélèvement d'avant les conflits armés de
2013.
Essences exploitées
La production est dominée par quelques essences, les 3 essences les plus exploitées représentant 54%
des productions du secteur formel.
L'Okoumé reste, avec 1,7 millions de m3 grumes produits en 2014, la première essence exploitée en
Afrique Centrale. Le Sapelli arrive en seconde position, avec 1 million de m3, avec une production
réalisée sur l'ensemble de l'Afrique Centrale, mais ayant le Congo et le Cameroun comme principaux
producteurs. L'Ayous est la troisième essence la plus exploitée, avec environ 800 000 m3, provenant
essentiellement du Cameroun.
La part globale des autres essences n'a pas progressé ces dernières années. Les raison en sont
diverses : certaines essences offrent un potentiel limité, déjà valorisé à plein (comme le Sipo ou
l'Iroko) du fait de leur dispersion en forêt, même si elles sont présentes sur une grande partie du
massif forestier. D'autres essences ont une aire de répartition (ou d'abondance) localisée, comme le
Wengé qui est surtout présent en RDC et au Congo. D'autres essences enfin ne sont pas pleinement
valorisées, du fait d'un marché réduit et/ou de prix ne garantissant pas la rentabilité notamment
sur des concessions éloignées des ports, les coûts de revient étant fortement impactés par les coûts
de transport.
Néanmoins quelques essences de bois durs ont connu un augmentation de leurs prélèvements, c'est le
cas du Tali et de l'Azobé depuis 2008 ainsi que de l'Okan avant 2008.
Productions industrielles
Légitimement, les pays exigent de plus en plus des opérateurs de la filière qu’ils s’assurent d’une
valorisation plus poussée des grumes extraites des forêts. A ce jour, les taux de transformation
minimum légaux pour chaque exploitant forestier sont les suivants:
Au Congo, 85%, les grumes exportées au-delà du quota de 15% sont surtaxées depuis 2016
Au Gabon, 100% depuis fin 2009
Au Cameroun, 100% avec dérogation possible pour des essences de moindre valeur
En RCA, 70% depuis 2008
En RDC : 70% au moins pendant 10 ans pour les détenteurs d’unités de transformation et les
exploitants nationaux
En Guinée Equatoriale : pas d'information
Le niveau de transformation des bois destinés à l'exportation a fortement progressé, en grande partie
du fait de la mesure prise au Gabon en 2009 d'interdiction de l'exportation de grumes.
1993-1999
2005-2008
2010 - 2014
Cameroun
57%
88%
ND
Congo
42%
57%
56%
Gabon
15%
37%
100%
Guinée Equatoriale
11%
10%
RCA
77%
59%
48%
RDC
69%
39%
ND
Afrique Centrale
42%
54%
66%
Le principal produit transformés en provenance d'Afrique Centrale reste un produit de première
transformation, le sciage, qui représente de l’ordre de 1,3 million de m3 exportés sur l’Afrique
Centrale (estimation pour 2014). Désormais, une grande partie des productions destinées à
l’exportation sont séchées artificiellement. On a vu apparaître ces dernières années quelques unités
de production de deuxième transformation, avec des sciages rabotés, mais qui restent encore
marginaux (de l’ordre de 5% de la production de sciage).
Exportations
Les productions du secteur industriel sont essentiellement exportées, le marché local est à l’heure
actuelle essentiellement approvisionné par le secteur artisanal. Les opérateurs industriels n’ont
qu’une place marginale sur les marchés intérieurs. Le marché régional, sur l’Afrique Centrale tout
comme sur le reste du continent, reste très peu développé également. Les principales destinations
d’exportation sont l’Union Européenne et l’Asie.
La part de l’Asie s'est fortement accrue sur la période 2005-2008, avec environ 60% des volumes
exportés, elle est en 2014 de 66%.
Certifications forestières
Sensibilisés par les campagnes d’information et les grands débats internationaux, les distributeurs
(et dans une moindre mesure les consommateurs) et certains Etats importateurs (pour leurs acheats
publics) se soucient désormais de l’origine des bois qu’ils achètent et des conditions dans
lesquelles ce bois a été produit. Pour s’assurer que les producteurs adhèrent à une démarche de
gestion légale et durable, des systèmes indépendants de certification de bonne gestion forestière et
de légalité ont été mis en place.
En raison des inquiétudes sur la bonne gouvernance des Etats, la certification garantit également la
bonne mise en œuvre des plans d'aménagement validés ainsi que le respect des lois et
réglementations.
Différents systèmes de certification sont actifs en Afrique Centrale:
Superficies certifiées (2016)
FSC
Forest Stewardhip Council, certificat de gestion forestière considéré comme le plus exigent
5 473 393 ha
OLB
Origine Légale des Bois, certificat de légalité développé par Bureau Veritas
2 549 430 ha
VLC
Verification of Legal Compliance
2 392 708 ha
Ensemble des certificats
8 728 379 ha
(Noter que certaines concessions sont certifiées selon 2 systèmes différents)
Deux types de certifications existent:
Des certificats d'origine légale des bois: OLB et VLC. Le bureau SGS a mis fin
à son programme TLTV (Timber Legality & Traceability Verification) dont le dernier certificat en
Afrique Centrale a expiré fin 2015.
Des certificats de gestion durable : le seul opérationnel sur l'Afrique
Centrale reste le FSC. Après une forte évolution des superficies certifiées FSC de 2005 à
2013qui a pu donner une avance significative à l’Afrique Centrale par rapport au bassin
amazonien, les superficies certifiées stagnent depuis quelques années.
Aucune forêt communautaire ou forêt communale n'est certifiée à ce jour.
Le système PEFC (300 millions d'hectares certifiés dans le monde en juin 2016) cherche à se
développer sur l'Afrique Centrale en reconnaissant des schémas nationaux de certification. PAFC
Gabon et PAFC Cameroun sont désormais membres de PEFC, le schéma gabonais étant élaboré et reconnu
par PEFC Council et le schéma camerounais étant en cours de soumission. Une étude de faisabilité
a été réalisé au Congo. A ce jour, aucune unité forestière n'est certifiée PEFC en Afrique Centrale.
Superficies certifiées (FSC, OLB, VLC)
Cameroun
3 609 931 ha
Congo
3 064 943 ha
Gabon
2 053 505 ha
Guinée Equatoriale
0 ha
RCA
0 ha
RDC
0 ha
Afrique Centrale
8 728 379 ha
Indicateurs de suivi de la certification mis en place par l’OFAC (à l’échelle régionale et nationale)
Superficie totale (et nombre) des concessions certifiées (par type de certificats)
Superficie totale (et nombre) des concessions engagés dans la certification (ayant au moins organisé un pré-aud
Superficie totale (et nombre) des concessions disposant de certificats de légalité
Superficie totale et nombre des forêts communales certifié par type de certificat
Superficie totale et nombre des forêts communales engagés dans la certification
Superficie totale des forêts communales avec attestation de légalité
Superficie totale des FC certifiées par type de certification
Superficie totale des FC avec attestation de légalité
Gouvernance forestière
L’amélioration de la gouvernance forestière en Afrique centrale se poursuit à travers des approches
visant à rassurer les importateurs ou les clients sur les conditions de production des bois :
Le contrôle des importations (processus FLEGT, Lacey Act)
Les certificats de légalité et de gestion forestière des bois issus des forêts du bassin du
Congo.
Contrôle des importations: FLEGT, DUE DILIGENCE, LACEY ACT
Plan d'action FLEGT
Dès 2003, l’Union Européenne a élaboré le plan d’action FLEGT (Forest Law Enforcement, Governance and
Trade – Application des règlementations forestières, gouvernances et échanges commerciaux), qui
prévoit un ensemble de mesures visant à exclure les bois et produits dérivés de bois d’origine
illégale du marché européen, à améliorer l’approvisionnement en bois issu d’une récolte légale et à
augmenter la demande de produits légaux.
Ce plan d’action est composé de deux axes principaux, à savoir les Accords de Partenariat Volontaire
(APV), et le Règlement sur le Bois de l’Union Européenne (RBUE).
Le plan d'action FLEGT a fait l'objet d'une évaluation commanditée par l'Union Européenne et achevée
en 2016.
Accords de Partenariat Volontaires (APV)
Les Accords de Partenariat Volontaires (APV) sont des accords commerciaux conclus entre les pays
exportateurs de l’UE et visant à mettre en place un mécanisme garantissant la récolte légale des
bois dans les pays signataires.
A ce jour en Afrique Centrale, 3 pays ont signé un APV avec l'UE:
Cameroun: APV entrée en vigueur en 2011
République Centrafricaine : APV entré en vigueur en 2012
Congo : APV entré en vigueur en 2013
Le Gabon et la République Démocratique du Congo ont engagé des négociations avec l'UE en vue de
signer un APV.
Les APV visent une amélioration de la gouvernance des Etats producteurs, à travers différents outils:
un système de vérification de la légalité
un système de traçabilité
des auditeurs indépendants
des observateurs indépendants (optionnels)
In fine des licences FLEGT seront émises pour les bois. A ce jour à fin 2016, aucun pays signataire
n'est en mesure d'émettre des licences FLEGT, l'Indonésie étant le pays le plus proche d'y parvenir.
Règlement sur le Bois de l’Union Européenne (RBUE)
Ce règlement impose aux metteurs en marché d’appliquer une « diligence raisonnée » et d’être en
mesure de prouver sa mise en œuvre. Cette diligence raisonnée consiste en l’application d’un système
de mesures et de procédures ayant pour but de réduire le plus possible le risque de mise sur le
marché de bois ou produits dérivés de bois issus de récoltes illégales.
Les autres initiatives de lutte contre le commerce de bois illégal
Comme l’Union européenne, d’autres pays consommateurs de bois ont choisi de légiférer contre le
commerce de bois illégal : les USA depuis mai 2008 avec le Lacey Act et l’Australie qui fin 2012
vient d’adopter l’Illegal Logging Prohibition Act, lequel s’appliquera fin 2014. Ces législations
interdisent, tout comme le RBUE, la commercialisation de bois illégal récolté en contrevenant aux
lois du pays d’exploitation.
Le Lacey Act pose une interdiction large allant de la vente aux échanges et même à la possession de
bois récolté illégalement. Cependant, le Lacey Act ne pose pas d’obligation de moyens, même si
l’administration encourage la « due care » (vigilance) comme moyen de réponse pratique aux
obligations règlementaires. Tous les produits bois, de la grume au papier, sont concernés par le
Lacey Act.
L’Illegal Logging Prohibition Act australien retient une approche similaire au RBUE soit une
interdiction de mise sur le marché et l’exercice de la « due diligence ». Une liste de produits «
régulés », les seuls qui seront concernés par l’obligation de diligence raisonnée, sera établie
d’ici un an.
Aménagement forestier.
Depuis les années 1990 il a été décidé par les Etats d'Afrique Centrale d'opérationnaliser la
politique d'aménagement des forêts de production en confiant la responsabilité de l'élaboration des
plans d'aménagement aux entreprises concessionnaires. Parallèlement l'aménagement forestier a inclus
les exigences sociales et environnementales de la gestion durable qui s'est imposée dans les
politiques publiques.
Les itinéraires techniques ont été développés puis vulgarisés avec l'appui de projets.
Quelques dates clés :
1993-95 : le projet API Dimako (Cameroun) jette les bases de ce que devrait être l'aménagement
forestier en Afrique Centrale, intégrant non seulement des exigences de rendement forestier
soutenu, mais aussi la prise en compte des fonctions environnementales et sociales de la forêt
1998 : Agrément du Plan d'Aménagement du Permis d'Exploitation Aménagement n°169 attribué à IFB
(République Centrafricaine), plan d'aménagement rédigé dans le cadre du projet ECOFAC
2000 : Validation au Gabon du premier plan d'aménagement préparé par un concessionnaire
forestier privé
2016 : plus de 24 millions d'hectares aménagés dans le Bassin du Congo soit la moitié des
surfaces concédées
La RCA est indéniablement le pays le plus avancé en matière d'aménagement, les seules concessions non
aménagées étant des concessions nouvellement attribuées.
Si le processus d’aménagement est bien engagé également au Cameroun, au Congo et au Gabon, il ne fait
que commencer en RDC, le plus vaste pays forestier de la sous-région. Néanmoins les premiers plans
d'aménagement y ont été validés en 2016. La Guinée Equatoriale, quant à elle, n’a pas suivi le
processus d’aménagement initié dans les autres pays de la région.
Indicateurs de suivi de l’aménagement mis en place par l’OFAC (à l’échelle régionale et nationale)
Production totale réalisée dans les forêts avec plans d'aménagement approuvés
Superficie totale des concessions et nombre de concessions avec plans d’aménagement approuvés
Superficie totale et nombre de concessions en convention provisoire (phase de préparation du Plan d’Aménagement)
Superficie totale et nombre des forêts communales avec plan d’aménagement approuvé
Production totale réalisée dans des forêts communales avec plan d’aménagement approuvé
Superficie totale des forêts communautaires avec plans simples de gestion approuvés