Poissons

Les espèces présentes dans les pays d’Afrique Centrale sont regroupées par famille et renvoient à la Liste rouge de l'Union internationale pour la conservation de la nature™ (UICN), (en anglais IUCN Red List). Cette liste, créée en 1963, constitue l'inventaire mondial le plus complet de l'état de conservation global des espèces végétales et animales. Les espèces y sont qualifiées par leur niveau de vulnérabilité.

Menaces

Menaces directes

La perte et la dégradation des habitats

De l’avis de tous les scientifiques, c’est la première cause de perte d’espèces (Thieme et al., 2005).

Elle peut être engendrée par des aménagements tels que :

  • la canalisation ou la régularisation de cours d’eau avec réduction ou disparition des zones inondables ;
  • l’assèchement de marais ;
  • la construction de barrages qui fragmentent les habitats et empêchent les migrations ;
  • le captage d’eau pour l’agriculture irriguée ou l’industrie.

Elle peut aussi provenir d’activités situées dans le bassin versant des cours d’eau, qui augmentent l’érosion et provoquent un apport excessif d’alluvions dans les rivières ou les lacs, telles que :

  • la déforestation ;
  • l’extension de l’agriculture ;
  • le développement d’activités minières.

Les introductions d’espèces exotiques

L’introduction, accidentelle ou intentionnelle, d’espèces exotiques de poissons a provoqué en beaucoup d’endroits des extinctions massives d’espèces indigènes. Le cas de l’introduction de la perche du Nil Lates niloticus dans le lac Victoria en Afrique orientale est un cas d’école qui a occasionné la disparition de plus de 200 espèces (Shumway, 1999). Dans beaucoup de cas, aucune étude scientifique ne permet toutefois de quantifier ou de vérifier les effets réels de ces introductions. C’est le cas notamment de l’introduction de Heterotis niloticus dans le bassin de l’Ogooué au Gabon. Ces espèces exotiques peuvent entrer en compétition avec les espèces indigènes, être de dangereux prédateurs ou s’hybridiser avec les populations locales.

D’énormes dégâts aux écosystèmes aquatiques ont aussi été occasionnés par l’introduction de plantes exotiques. Les plus redoutées sont la jacinthe d’eau Eichhornia crassipes et la petite fougère Salvinia molesta. Ces plantes couvrent de vastes superficies, asphyxient les eaux, perturbent leur écoulement et empêchent la navigation (Mumba & Howard, 2005).

La surexploitation

Dans l’ensemble de l’Afrique centrale les quantités de poisson pêchées restent en dessous de la production potentielle des écosystèmes aquatiques.

Dans le bassin du Congo, en RDC, la production potentielle est estimée entre 350.000 et 700.000 tonnes, mais la production réelle ne dépasse probablement pas 250.000 tonnes. Par manque de moyens (pirogues et moteurs), de vastes secteurs des cours d’eau ne sont d’ailleurs pas ou très peu exploités (Vande weghe et al., 2006). Localement, il existe toutefois une surexploitation, surtout aux abords des grandes agglomération. C’est le cas dans le Pool Malebo, autour de Mbandaka et de Kisangani, au lac Moëro et au lac Tchangalele dans le Katanga (Vande weghe et al., 2006). Cette surexploitation entraine une diminution de la taille des captures. Les pêcheurs y répondent par la réduction des mailles des filets et le recours à d’autres méthodes illégales très destructives (pêche au poison végétal ou à l’insecticide, pêche dans les frayères), ce qui accentue finalement la surexploitation.

D’autres écorégions affectées par la surexploitation sont le bassin du bas Niger-Bénoué, le bassin du Tchad et le lac Albert (Thieme et al., 2005).

La pollution chimique ou organique

Elle peut être :

  • de nature urbaine et provenir des grandes agglomérations comme Brazzaville, Kinshasa ou Mbandaka ; elle provoque une eutrophisation des eaux ;
  • de nature industrielle, car dans la plupart des pays de la région les réglementations en matière environnementale sont insuffisantes ou peu respectées ;
  • de nature minière avec pollution par métaux lourds, notamment dans la région minière du Katanga en RDC.

En RDC, les eaux de lavage des minerais, les effluents des usines de traitement et d’enrichissement sont rejetés sans traitement préalable dans les rivières, et les eaux de ruissellement des terrils contiennent en solution et dans leurs sédiments et des sels solubles des métaux extraits, des métaux lourds ainsi que des résidus des acides et des différents produits chimiques intervenant soit dans les processus d'extraction et de séparation, soit dans les processus de raffinage. Ces polluants solubles et même toxiques détruisent les biotopes aquatiques à l’aval sur parfois plus de 200 km (Vande weghe et al., 2006).

Les changements climatiques

Ils pourront changer les habitats et la qualité des eaux, mais aussi augmenter ou réduire les débits des cours d’eau. Indirectement, ils pourront aussi accentuer les pressions humaines sur les écosystèmes aquatiques.

La gestion inadéquate des écosystèmes

Elle repose essentiellement sur :

  • le manque de connaissances de ces écosystèmes ;
  • la non-intégration de la valeurs des écosystèmes aquatiques dans les plans de développement ;
  • le détournement des ressources des écosystèmes aquatiques vers les communautés urbaines au détriment des communautés rurales.

Mesures de conservation

Les parcs nationaux

La conservation en Afrique s’est principalement axée sur la création d’aires protégées (parcs nationaux, réserves de faunes…), dont certaines incluent de vastes milieux humides. Cette stratégie n’est cependant pas adaptée à la conservation des milieux aquatiques. D’une part, il est impossible de soustraire un lac, une rivière ou un marais aux influences qui affectent leur bassin versant. D’autre part, les ressources aquatiques (les poissons en premier lieu), jouent un rôle trop important dans l’économie des populations qui habitent ces milieux humides ou leur périphérie. Interdire tout prélèvement dans de vastes zones est donc impossible.

Les lois réglementant la pêche

Dans tous les pays d’Afrique centrale, la pêche est réglementée par :

  • des restrictions ou interdictions touchant l’usage de certaines techniques ou d’équipements ;
  • des périodes de fermeture de la pêche ;

Par manque de moyens financiers et humains, ces réglementations sont appliquées de manière très inégale.

L’approche communautaire

Les expériences acquises au cours des derniers 10-15 ans dans plusieurs régions, montrent que seule une approche intégrée avec large implication des populations locales concernées, sous forme de projets communautaires, permet de parvenir à une restriction de l’accès aux ressources (Awais & Landenbergue, 2005). Dans le cadre de pareils projets, il est aussi apparu que la mise en « réserve » de certains secteurs sensibles donnait de bons résultats et commençait à être acceptée par les populations.

La convention de Ramsar

Cette convention de 1972, qui vise la conservation et l’utilisation durable des écosystèmes aquatiques, constitue un cadre général qui permet de structurer de pareilles initiatives intégrées. Jusqu’à présent, cette convention compte 158 Parties contractantes dans le monde et 28 sites Ramsar en Afrique centrale ; ils couvrent en tout plus de 20 millions d’hectares (Tableau 3). Cette superficie est considérable, mais elle n’englobe pas encore tous les types de milieux aquatiques qui devraient être pris en considération et beaucoup reste à faire pour assurer la conservation des sites. Trop souvent encore la conservation des milieux humides est considérée à tort comme étant en contradiction avec le développement et la lutte contre la pauvreté. Le fait que les populations africaines dépendent dans une très large mesure des ressources spontanées de la nature, les rend particulièrement vulnérables face aux dégradations diverses que peuvent subir les milieux. (Awais & Landenbergue, 2005).

PaysSiteAnnéeSuperficie (ha)
TchadLac Fitri1990195 000
Partie tchadienne du lac Tchad20011 648 168
Plaine inondable du Bahr Aouk et Salamat20064 992 000
Plaine inondable du Logone et dépression Toupouri20052 978 900
Réserve de faune de Binder Léré2005135 000
CamerounLac Barombi Mbo2006415
Partie camerounaise de la Sangha20086 200
Plaine inondable Waza-Logone2006600 000
RCARivières Mbaéré et Bodingué2005101 300
Guinée-EquatorialeAnnobon200323 000
Reserva Natural del Estuarion del Muni200380 000
Rio Ntem o Campo200333 000
GabonParc national d'Akanda200754 000
Parc national de Pongara200792 969
Petit Loango1986480 000
Setté Cama1986220 000
Site Ramsar du Mont Birougou2007536 000
Wonga-Wongué1986380 000
République du CongoCayo Loufoualeba200715 366
Conkouati-Douli2007504 950
Grands affluents20075 908 074
Libenga200759 409
Réserve communautaire Lac télé-Likouala-aux-Herbes1998438 960
RDCParc national des Mangroves199666 000
Parc national des Virunga1998800 000
RwandaRugezi-Bulera-Ruhondo2005
BurundiDelta Rusizi20021 000
Sao Tomé-et-Principe Ilots Tinhosas2006
Superficie totale20 349 711

Tableau 3 : Les sites Ramsar en Afrique centrale d'après le site officiel Ramsar