Les aires protégées sont au cœur des stratégies de conservation de la biodiversité : elles ont pour objectif la protection à long terme du patrimoine naturel et des ressources biologiques qui constituent le fondement des économies des pays.
Dans la plupart des pays d’Afrique centrale, les premières générations d’aires protégées au sens moderne du terme furent instituées au cours de la période coloniale, dès le début du XXe siècle. La création de ces sites correspondait d’abord à des stratégies de mise en repos des ressources face à une exploitation potentiellement abusive de la grande faune ou du bois d’œuvre. Les premiers parcs nationaux ont vu le jour dans les années 1930, suite à un décret de l’ancienne Afrique Equatoriale Française. En dehors de l’AEF d’autres aires protégées de la région, présentant une nature d’une richesse exceptionnelle, ont également été créées avant ladite convention.
Ce mouvement va s’amplifier après la seconde guerre mondiale, les pouvoirs coloniaux vont identifier des territoires de conservation dans les années 45 à 60, en général sur de vastes superficies relativement peu peuplées et éloignées des pôles de développement économiques. Si, durant cette période, la plupart des nouvelles aires protégées sont installées dans des régions de savanes ou de contact forêt-savane, quelques-unes sont toutefois créées en région forestière. Toutes ces réserves forestières, comme déjà indiqué pour d’autres pays de la région, visaient à maintenir la capacité de production de bois d’œuvre face à d’éventuelles surexploitations. Ces réserves ne bénéficient donc pas d’un statut de conservation très fort et peuvent être régulièrement soumises à exploitation. Ensuite, c’est surtout dans les années 1960-1970 que certains pays vont renforcer leur réseau d’aires protégées. Cette période correspond à la création de nombreux parcs au Cameroun (dont le parc de Waza et celui de la Bénoué qui étaient des réserves depuis les années 30) ou en République Démocratique du Congo (RDC, à l’époque le Zaïre), avec les parcs du Kahuzi-Biega, de Kundelungu, de la Maïko et de la Salonga. C’est aussi à cette époque que sont établies de nombreuses réserves de faune ou domaine de chasse.
À partir de la deuxième moitié des années 1980 et dans la préfiguration de la conférence internationale sur l’environnement et le développement durable, qui s’est tenue à Rio en 1992, des initiatives se mettent en place pour répondre aux défis de la dégradation des aires protégées d’Afrique centrale et aux difficultés de justifier les actions de conservation auprès de pays qui souhaitent se « développer » ; sous-entendu exploiter leurs ressources naturelles. Cette mutation se manifeste par le déploiement de projets de conservation-développement ayant pour objectif d’intégrer les actions de conservation dans un développement local et national. Un autre élément important de changement est dérivé d’une première étude globale de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) qui considérait la conservation de la biodiversité forestière à la fois à l’échelle des pays mais aussi, pour la première fois en Afrique centrale, à l’échelle de la région. Ce travail a conduit, en 1992, au lancement du premier programme régional de conservation : le programme ECOFAC, financé par l’UE. À la suite de cette dynamique régionale, les autorités forestières des pays de la région vont s’organiser, avec l’émergence de la COMIFAC (Commission des Forêts d’Afrique Centrale) puis du RAPAC (Réseau des Aires Protégées d’Afrique Centrale). De nombreux bailleurs de fonds vont intensifier leur appui financier et des ONG internationales vont commencer à s’installer durablement en Afrique Centrale.
Malgré quelques créations d’aires protégées dans les années 1990, il faudra attendre les années 2000 et 2010 pour que de nouvelles aires protégées soient créées en nombre dans la région. Depuis les années 2000 et 2010, un renforcement des dynamiques régionales s’est mis en place, en particulier d’un point de vue institutionnel et fonctionnel. La coopération régionale s’est dotée d’un instrument de concertation comme le PFBC (Partenariat pour les Forêts du Bassin du Congo) et d’un organisme régional tel que la CEEAC (Communauté Economique des États d’Afrique Centrale).
Des traités et accords bilatéraux et multilatéraux ont aussi été signés afin d’améliorer l’efficacité des politiques de conservation et, singulièrement, la gestion des aires protégées, en particulier dans les espaces transfrontaliers.
Les réseaux d’aires protégées couvrent mieux la biodiversité dans chaque pays et des dynamiques de collaborations se mettent en place afin de renforcer l’efficacité de gestion des aires protégées et la lutte contre un grand braconnage qui s’est de plus en plus internationalisé. On assiste également à un mouvement d’autonomisation des administrations en charge des aires protégées.
Aujourd’hui, les difficultés financières des états et le manque d’investissement dans les aires protégées, aggravés par des problèmes de gouvernance, associés à des menaces sans cesse grandissantes, incitent les états à s’orienter vers une gestion déléguée ou partagée des aires protégées. Des délégations de gestion auprès de structures privées ou d’ONGs se mettent en place ; des formes de gouvernances différentes de la gouvernance unique par les services étatiques mais aussi une certaine décentralisation apparaissent aussi.
Dans un contexte où les administrations en charge de la gestion des aires protégées ne possèdent ni les moyens humains, ni les moyens financiers et matériels de gérer l’ensemble des aires protégées sous leur juridiction, la dévolution de certaines responsabilités aux populations rurales et à des acteurs privés devient une nécessité. Cela suppose aussi d’évaluer les coûts et les bénéfices (économiques, sociaux et environnementaux) de chaque aire protégée et d’aborder la question de leur partage entre les diverses parties prenantes.
Malgré toutes ces améliorations, les réseaux d’aires protégées sont fortement soumis à des pressions sans cesse croissantes, qu’il s’agisse de pression de chasse – dont le grand braconnage pour l’ivoire – mais aussi de pressions plus récentes et qui vont en s’intensifiant, telles que l’émergence de projets d’exploitation minière ou pétrolière, voire le développement de grandes infrastructures telles que les barrages ou les grands axes routiers. Les aires protégées doivent en effet s’attendre à faire face à de fortes augmentations des pressions directes (entrées en forêt, déboisements) et indirectes (pression de la chasse alimentaire, pression des défrichements agricoles, etc.) sur leur intégrité écologique.
L’insertion des communautés locales dans cette démarche sera un élément crucial. Cette décision nécessitera aussi des arbitrages économiques difficiles dans les secteurs protégés ayant de riches ressources minières auxquelles le pays devra renoncer.
Pour plus d’informations ainsi qu’un état des lieux complet des aires protégées d’Afrique Centrale, veuillez consulter L’Etat des Aires Protégées d’Afrique Centrale (EdAP 2015).